POPULATIONS-CLÉS ET PERSONNES VULNÉRABLES DES TROIS MALADIES (TB, PALU, VIH) DANS LE CONTEXTE COVID-19 OBSTACLES LIES AUX DROITS HUMAINS ET AU GENRE

Education

Des réalités plurielles et des histoires singulières.

Famille

Des dynamiques structurantes à saisir et à comprendre.

Santé

Saisir les dimensions non médicales de la santé.

Genre

L’égalité homme femme, un principe pour une gestion équitable des ressources.

Ce rapport est le produit d’une recherche sur les obstacles liés aux droits humains et au genre dans l’accès aux soins des populations-clés et personnes vulnérables pour la tuberculose, le VIH et le paludisme en contexte de Covid-19. Une équipe de recherche pluridisciplinaire composée d’un géographe de la santé, d’une socio-anthropologue de la santé et d’un sociologue, accompagnée de deux assistants de recherche et de 10 enquêteurs a mené la collecte de données dans les cinq régions cibles que sont Dakar, Diourbel, Kaolack, Thiès et Ziguinchor.
Cette étude a utilisé une méthode mixte faite de 100 entretiens semi-directifs pour l’approche qualitative et 624 questionnaires pour la partie quantitative. Ces outils de collecte ont été administrés auprès de populations-clés et vulnérables, notamment les MSM (Man having Sex with Man), PS (professionnelles du sexe), UDI (Utilisateurs de Drogues Injectables). La situation de vulnérabilité est également étudiée à travers les handicapés et les personnes dites pauvres. Les thématiques questionnées portent sur les vécus et perceptions de ces cibles sur leur parcours de soins pendant le Covid-19 afin d’évaluer les obstacles liés aux droits humains en termes de discrimination et stigmatisation pour apprécier les inégalités de santé et proposer des recommandations pour un accès renforcé aux services de santé. L’étude a montré que 85 % des personnes interrogées déclarent avoir accès aux soins à au moins une structure de soins. Parmi celles-ci, 37 % sont concernées par la tuberculose, 33 % par le VIH et dans ces deux catégories, 19 % sont en situation de comorbidité VIH/tuberculose. Dans ce groupe, seulement 15 % des cibles sont affiliées à des associations de patients. Le tiers de ces personnes déclarent ne disposer d’aucun revenu. Ces populations fréquentent principalement les centres de santé dans 82 % des cas et 41 % des hospitalisations déclarées y sont effectuées. Pour le parcours de soins, le constat est que la continuité de l’offre de soins pour les bénéficiaires est assurée pendant le Covid-19 grâce aux facilités d’accès aux soins offertes par les réseaux de sociabilités à travers le rôle primordial joué par les médiateurs au sein des structures de soins. Toutefois, pendant le Covid-19, si les populations dans leur grande majorité avaient réduit leur fréquentation des services de santé, le non-recours aux soins était souvent lié à des annulations de rendez-vous par les services de santé. Ces derniers étaient dans des incapacités organisationnelles de gestion de l’accueil à cause de l’urgence sanitaire liée au Covid-19. De plus, la fréquentation des structures de soin semble avoir suivi la dynamique de l’épidémie régulée par les vagues successives de prévalence. Plus les cas augmentaient, plus les populations désertaient les services de santé par peur d’une infection nosocomiale, mais également par faute de service adaptée à leurs besoins de santé. Cependant, les rapports soignants/soignés sont jugés bons par les bénéficiaires dans l’ensemble. Les difficultés relatées dans le parcours de soins relèvent en grande partie de l’inaccessibilité financière avec 60 % des cibles qui estiment être souvent dans l’incapacité de prendre en charge les frais induits. Cela a été exacerbé pendant le Covid-19 avec la réduction du temps de travail pour certains et/ou l’incapacité de travailler pour d’autres du fait des mesures restrictives de santé publique liées à l’urgence sanitaire. Cette situation a contribué à fragiliser la prise en charge sanitaire et à désarticuler la chaîne de suivi des traitements. Parmi les contraintes soulevées dans l’accès aux soins, l’éloignement de la structure de référence constitue une contrainte majeure dans le continuum de soins. Cela est exacerbé par les restrictions de déplacements pendant la pandémie de Covid-19. S’agissant des inégalités de santé, les résultats sont globalement très satisfaisants. 88,5 % des cibles affirment ne pas avoir ressenti ou vécu des discriminations dans l’accès aux soins. Seulement 3 % ont déclaré éprouver des difficultés dans l’accueil et subi des atteintes aux droits humains. Dans cette proportion, 51,80 % estiment n’avoir rien fait pour éviter une stigmatisation déjà très difficile à porter tandis que 20,5 % font appel à la police et 6,67 % aux associations. Cependant, toutes ces personnes disent être bien au courant de leurs droits avec l’appui des boutiques de droits et associations. Toutefois, la période de Covid-19, au regard des mesures de restrictions mises en place, aura renforcé cette stigmatisation, réduit la protection dont pouvaient bénéficier certaines catégories de population augmentant ainsi leur vulnérabilité au point de ne plus être en mesure de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille. En conclusion, l’étude a révélé une bonne adaptation dans la prise en charge des pathologies ciblées en contexte de Covid-19. Cependant il est clairement apparu que les cibles intégrées dans des réseaux de sociabilités comme les associations et celles-ci suivies par l’ANCS ont pu bénéficier d’un accompagnement qui a amoindri les inégalités de soins et les atteintes aux droits humains en matière d’accès aux soins. Les cibles qui sont hors de ces réseaux ont subi les contre-coups de la pandémie. En termes de recommandations, cette étude propose principalement de :
– porter une attention particulière au renforcement des réseaux de sociabilités en privilégiant une démarche inclusive avec un plus grand appui des médiateurs sur le terrain ;
– anticiper sur la disponibilité des médicaments essentiels dans le suivi des patients du VIH en élargissant les réseaux d’approvisionnement au-delà du milieu médical, mais sous son contrôle ;
– vulgariser l’action et l’accès aux boutiques de droits ;
– proposer des formations sur l’estime de soi ;
– généraliser l’adhésion aux mutuelles de santé.